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Chroniques
portrait d’Unsuk Chin – épisode 1
Orchestre Philharmonique de Radio France
Dans le cadre de l’Année France-Corée – plus de deux cents événements nationaux de septembre 2015 à août 2016 –, voici le premier des cinq concerts consacrés à Unsuk Chin, donnés ici-même et dans le nord-est de Paris. Plus d’une fois, notre média a relayé le travail de la compositrice née à Séoul en 1961, à travers cette Europe où elle rêvait de fuir la pauvreté, la dictature et l’irrespect cruels vécus durant sa jeunesse : les créations de Le silence des sirènes à Lucerne [lire notre chronique du 23 août 2014] et de Fanfare chimérique au Centre Pompidou [lire notre chronique du 15 avril 2011], la reprise d’Alice in wonderland à Genève [lire notre chronique du 14 juin 2010], etc.
Avec l’entretien accordé à Martin Kaltenecker à Berlin, la ville d’adoption de la musicienne depuis 1988, on en apprend plus sur son apprentissage autodidacte, grâce à la présence exceptionnelle d’une centaine de disques dans une salle de collège, ou à la radio, arrivée à la fin des années soixante. Plus tard, alors que la philharmonie locale joue en boucle le répertoire, elle découvre sans rechigner l’histoire du XXe siècle (Stravinsky, Nono, Boulez, etc.), avec le compositeur Sukhi Kang. Boursière à Hambourg, elle approche avec György Ligeti d’autres musiques encore, dont celle des marginaux (Partch, Vivier, Nancarrow), loin du dogmatisme de Darmstadt. Draconien, le Hongrois la pousse à l’originalité. Elle confie :
« L’harmonie est chez moi un pôle fondamental, mais j’utilise maintenant librement toute la palette, les accords parfaits autant que les bruits. On peut repérer parfois des similitudes avec les spectraux, mais de fait, ça ne venait pas des compositeurs français, même si Grisey m’impressionnait beaucoup. […] Lorsque je conçois une œuvre, j’aimerais évidemment qu’elle se singularise, qu’elle dise ce que d’autres n’ont pas encore dit. Jusqu’à 50%, on retrouve des éléments qui existent aussi ailleurs, mais il faut qu’il y ait des choses nouvelles ».
Première des œuvres au programme, Rocaná (Montréal, 2008) présente un flux continu qui souhaiterait traduire divers phénomènes lumineux (distorsions, réfractions, réflexions, etc.) – le titre en sanskrit, chambre de lumière, en annonce d’ailleurs le propos. Ici, on trouve nombre de climats changeants que dominent timbres scintillants (brillance sourde des cuivres, cloches aux allures de gamelan, etc.) et impulsions rythmiques régulières (décharges de caisse claire aux timbales mêlée, etc.).
Suit le Concerto pour piano (Cardiff, 1997) dans lequel Unsuk Chin souhaite mettre en avant « les aspects cinétiques et virtuoses de l’instrument – sa dimension ludique, en somme ». N’y repère-t-on pas, en alternance avec des passages qui foisonnent d’agitation, d’inquiétude et de mystère, des moments plus tendres, comme une boîte à musique venue de l’enfance que le ressort détendu conduirait en decrescendo métrique, ou encore des reliefs gigoteurs et taquins qui valorisent les qualités du pianiste Sunwook Kim, habitué aux structures romantiques [lire notre chronique du 27 janvier 2011] ?
Après l’entracte, Kwamé Ryan, chef à la battue limpide et précise, et l’Orchestre Philharmonique de Radio France invitent l’épatant Isang Enders pour le Concerto pour violoncelle (Londres, 2009/2013). Le contraste s’y cultive non seulement entre ses quatre mouvements mais aussi entre tutti et soliste. Le premier semble assoupi ? Le second en profite pour délivrer sa plainte lyrique. Les autres cordes sont félines et sauvages, distribuant des coups de griffes ? Le violoncelle affronte cette jungle de façon éthérée, voire débonnaire… Saisi par tant de beauté, le public hésite plusieurs secondes avant d'applaudir créatrice et interprètes.
LB